Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Alice ou les mystères.pdf/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était avec Maltravers. L’écriteau collé sur la porte, le nom de Vargrave, avaient dû frapper le regard de Castruccio, lorsqu’il descendait l’escalier ; le domestique était absent, l’appartement désert ; il avait pu s’introduire dans la chambre à coucher, se cacher dans l’armoire, et, dans le silence de la nuit, pendant que la victime plongée dans un profond sommeil était sans défense, rien ne l’avait empêché de consommer son crime. Qu’avait-il besoin d’armes ? Les oreillers auraient suffi pour étouffer à la fois les cris et la vie. Rien de plus facile après que de s’échapper. Passer dans l’antichambre, ouvrir la porte, descendre dans la cour, donner le signal au concierge, qui de sa loge, et sans le voir, aurait tiré le cordon, et l’aurait laissé sortir sans difficulté, tout cela était très-possible, très-probable même.

Montaigne cessa dès ce jour toutes ses recherches pour découvrir Cesarini : il tremblait à la pensée de le retrouver, de vérifier ses horribles soupçons, de reconnaître un meurtrier dans le frère de sa femme. Mais il n’était pas destiné à nourrir longtemps ces craintes au sujet de Cesarini. Quelques jours après l’enterrement de lord Vargrave, on retira de la Seine un cadavre. Quelques papiers trouvés dans les poches du noyé, sur lesquels étaient griffonnés des vers bizarres et incohérents, servirent d’indices pour découvrir ses amis, et Montaigne reconnut dans le cadavre décomposé et défiguré, exposé à la Morgue, les restes de Castruccio Cesarini. Il était mort avec son secret.


CHAPITRE VII

Singula quæque locum teneant sortita.
(Horace. — Art. poet.)

Maltravers et les hommes de loi ne purent Sauver de la faillite de la maison Douce et Cie qu’une très-petite portion de cette fortune dont Richard Templeton avait été si fier. Le titre était éteint, la fortune dispersée au vent : c’est ainsi que le Destin se rit de notre ambition posthume. Cependant M. Douce s’était sauvé en Amérique avec un butin considérable ; la banque devait presque un demi-million de livres[1].

  1. 12 500 000 francs.