Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Ernest Maltravers.pdf/366

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai déjà convoqué en consultation les grands magiciens modernes de la draperie et de l’or moulu, pour savoir comment nous pourrons disposer convenablement le palais d’Aladin pour la réception de la nouvelle princesse. Et puis, les hommes d’affaires ! En somme, je prévois que je serai fort occupé. Mais demain, à trois heures, je serai chez vous, et nous pourrons faire une promenade à cheval, s’il fait beau.

— À coup sûr c’est bien signor Cesarini que j’aperçois là-bas, dit Florence. Qu’il est pâle et changé ! »

Maltravers regarda du côté que lui indiquait Florence, et vit Cesarini qui tournait le coin d’une ruelle, suivi d’un porte-faix chargé de quelques livres et d’une malle. L’Italien qui parlait tout seul, en gesticulant, n’aperçut point les deux fiancés.

« Pauvre Castruccio ! pensa Maltravers, il quitte sans doute son logement. À l’heure qu’il est, je crains qu’il n’ait dépensé la dernière somme que je lui ai fait parvenir ; il faut que je me souvienne de découvrir sa demeure pour rafraîchir ses ressources. Florence, n’oubliez pas de voir Cesarini, dit-il à haute voix, et de le décider à accepter la place dont nous avons parlé.

— Je ne l’oublierai pas ; je le verrai demain avant votre visite. Pourtant c’est une tâche pénible, Ernest.

— Je le reconnais. Hélas ! Florence, ne lui devez-vous pas quelque dédommagement ? Il est hors de doute que, pendant un moment il s’est cru le droit de former des espérances, dont sa qualité d’étranger et son ignorance de notre société anglaise l’empêchaient de voir la folie.

— Croyez-moi, je ne lui ai jamais donné le droit de nourrir de pareilles espérances.

— Mais vous ne les découragiez pas assez. Ah ! Florence, ne traitez jamais légèrement les angoisses que causent les espérances déçues, l’amour dédaigné.

— Elles sont horribles ! dit Florence en frémissant. C’est singulier, jamais ma conscience ne m’avait fait tant de reproches. Depuis que j’aime, je sais, pour la première fois, combien il est criminel d’être…

— Une coquette ! interrompit Maltravers. Eh ! bien ne pensons plus à ce qui est passé. Mais s’il est en notre pouvoir de rendre à un homme bien doué, et dont la jeunesse promettait beaucoup, une honorable indépendance, avec la santé de l’esprit, faisons-le. Pour moi, Cesarini ne me pardonnera jamais ;