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Page:Bulwer-Lytton - Le Maître d’école assassin, 1893.djvu/66

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je la vis pour la première fois jusqu’à l’incident qui nous fit connaître l’un à l’autre. Je n’ai pas besoin de le raconter ; nous nous aimions. Mais comment dire les luttes qui se livrèrent en moi pendant le développement de cet amour ? Combien il me semblait étrange que je cédasse à une passion qui me rapprochait de l’espèce humaine ! Plus je l’aimais, plus je sentais croître en moi l’effroi de l’avenir. Ces choses, qui étaient restées profondément endormies, se réveillaient pour reprendre une réalité terrible. Le sol qui couvrait le passé pouvait s’ouvrir, le mort reparaître, et ce gouffre d’où sortait ce fantôme me séparer pour toujours d’elle. Quelle malédiction j’apporterais peut-être à cette charmante créature qui me témoignait tant de confiance ? Souvent, bien souvent je formai la résolution de la fuir, de la quitter, de chercher quelque part dans le monde un désert où je n’aurais plus à craindre d’être trahi par les émotions humaines. Mais comme l’oiseau qui se débat dans le filet, comme le lièvre qui ruse devant le chasseur, je ne faisais que m’agiter sur place en efforts puérils, sous l’influence d’une fatalité toute-puissante. Voyez combien sont étranges les coïncidences qu’amène le destin, le destin qui nous donne des avertissements et nous ôte les moyens d’y obéir, comme un prophète décevant, comme un démon railleur. Le même soir où je connus Madeleine Lester, Houseman que ses projets de fraude et de violence avaient amené dans ce pays, me découvrit et me retrouva. Imaginez ce que je ressentis, lorsque,