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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/137

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nuit, de nouvelles inscriptions vinrent témoigner de l’esprit sarcastique et des sentiments vindicatifs qui animaient la paroisse. Et si les ceps échappèrent à la hache et au feu, c’est que les paysans trouvèrent plus de plaisir à en faire le but de leur malice. Cet instrument devint le pasquin d’Hazeldean.

Tout esprit de révolte provoque naturellement de la part de l’autorité un redoublement de vigueur. Aussi, depuis les scènes récentes, l’administration avait déployé plus de sévérité que n’en avaient montré jusque là le squire et ses prédécesseurs. Ainsi, par exemple, trois châtaigniers, un noyer et deux cerisiers qui se trouvaient dans le bas du parc et dont, de temps immémorial, les fruits avaient été abandonnés à la jeunesse d’Hazeldean, furent solennellement placés sous le régime privilégié de la propriété particulière. Le crieur annonça que dorénavant, tout individu qui dévasterait les arbres fruitiers du parc, serait puni selon toute la rigueur des lois. Stirn, il est vrai, recommandait des mesures encore plus sévères qui, disait-il, ne manqueraient pas de faire revenir la paroisse à son bon sens. Entre autres, l’interruption d’une foule de petits travaux improductifs auxquels le squire occupait les bras désœuvrés du village. Mais ici le squire tombant dans le département et sous la bienfaisante influence de son Harry, ne se trouva pas suffisamment endurci pour lui résister. Quand on en vint à une question qui affectait directement la quantité de pain consommée par ces bouches ingrates qu’il nourrissait, les trésors de charité que la Providence avait mis dans l’âme du squire balayèrent soudain l’indignation du trop sévère bras droit.

Néanmoins cette politique de demi-mesures, qui irrite les victimes sans les abattre, qui frappe un nid de guêpes avec un mouchoir de poche au lieu de le faire sauter avec un peu de poudre ; cette politique, dis-je, réussit rarement ; et après que trois autres victimes beaucoup plus coupables que Léonard eurent été emprisonnées dans les ceps, la paroisse d’Hazeldean était mûre pour quelque énormité. D’incendiaires brochures démocratiques nées dans la fange des villes manufacturières, trouvèrent, Dieu seul sait comment, le chemin du cabaret. Le chaudronnier fut généralement soupçonné d’être l’auteur de ce méfait, excepté par Stirn, qui en accusait tout bas les papistes. Et à la fin parmi les autres enjolivements qu’avaient reçus les pauvres ceps, apparut l’image d’un gentleman portant un chapeau à larges bords et des bottes à revers, pendu à une potence avec cette inscription : Avairtisements à tout les tirent — qu’on ç’en souviene !

C’était devant ce significatif et emblématique portrait que rêvait le squire quand le curé le rejoignit.

« Eh bien ! curé, dit M. Hazeldean avec un sourire qu’il voulait rendre gracieux et aimable, mais qui était forcé et n’exprimait qu’un profond chagrin, je vous fais mon compliment de votre troupeau… Vous le voyez, ils m’ont pendu en effigie ! »

Le curé recula, et quoique profondément indigné, contint son émo-