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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/193

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« Nous sommes une famille favorisée, dit John. Il y avait Luc, mais il est parti ; puis Henri, mais il est mort aussi ; enfin Richard, qui est en Amérique, non, qui est ici, et ma chère Nora, mais…

— Chut ! interrompit mistress Avenel ; chut ! John. »

Le vieillard regarda fixement sa femme ; puis il porta sa main tremblante à son front :

« Et Nora est partie aussi ! » dit-il avec un accent de profonde tristesse ; puis il laissa retomber ses deux mains sur ses genoux et sa tête sur sa poitrine.

Mistress Avenel se leva, déposa un baiser sur le front de son mari, et se dirigea vers la fenêtre. Richard prit son chapeau, et l’essuya soigneusement, mais ses lèvres tremblaient.

« Je sors, dit-il brusquement ; surtout, ma mère, pas un mot de l’oncle Richard : il faut savoir auparavant jusqu’à quel point nous nous conviendrons, et ajouta-t-il tout bas, vous tâcherez de faire entrer cela dans la tête de mon pauvre père.

— Oui, mon fils, » répondit mistress Avenel avec calme.

Richard mit son chapeau et sortit par derrière. Il longea les champs qui entouraient la ville, et n’eut qu’à traverser la rue pour se trouver sur la grande route.

Il marcha jusqu’au premier mille. Là, il s’assit, alluma un cigare et attendit son neveu. Le soleil allait se coucher, la route qu’il avait devant lui se dirigeait vers l’ouest. Richard, de temps en temps, regardait le long de la route, en mettant sa main devant ses yeux ; enfin, au moment où la moitié du disque se cachait derrière l’horizon, il vit une figure solitaire au milieu du chemin ; elle avait apparu tout d’un coup au tournant de la route ; les derniers rayons du jour l’entouraient comme d’une éclatante auréole.


CHAPITRE XIX.

« Vous venez de loin, jeune homme ? demanda Avenel.

— Non, monsieur, pas de très-loin. C’est Lansmere qui est là devant moi, n’est-ce pas ?

— Oui, c’est Lansmere. C’est là que vous vous arrêtez, à ce que je devine ? »

Léonard fit un signe de tête affirmatif, et continua son chemin pendant quelques instants ; puis, voyant l’étranger toujours à ses côtés, il lui dit :

« Si vous connaissez la ville, monsieur, peut-être aurez-vous la bonté de m’indiquer la demeure de M. Avenel ?

— Je puis vous montrer un chemin à travers champs qui vous conduira précisément derrière la maison.