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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/219

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en relief par une femme du monde, qui avait appris à tirer bon parti du peu qu’elle savait. Aussi, comme la jalousie produit l’effet d’un soufflet de forge allumant des flammes naissantes, à la vue du sourire que la belle veuve accorda à Léonard, M. Avenel prit subitement feu.

Il s’approcha d’un pas moins assuré que d’habitude, et, entendant le langage du jeune homme, il fut surpris de son audace. Mistress M’Catchley lui avait parlé de l’Écosse et du roman de Waverley, dont Léonard ne savait pas le premier mot. Mais il connaissait Burns, et il parla de cet auteur avec l’éloquence la plus naturelle. Burns, le poète paysan, il était tout simple que Léonard se montrât éloquent sur un pareil sujet. Mistress M’Catchley trouvait du plaisir et du charme dans la fraîcheur et la naïveté de ses sentiments ; elle n’avait jamais rien vu ni entendu de semblable. Léonard en vint jusqu’à citer quelques vers de son poète favori, vers où celui-ci exalte l’homme en lui-même, et parle avec quelque dédain du rang et de la fortune.

« Voilà une citation bien polie, s’écria M. Avenel, adressée à une dame telle que l’honorable mistress M’Catchley. Vous l’excuserez, madame.

— Monsieur ! » fit mistress M’Catchley d’un air surpris en portant son lorgnon à ses yeux. Léonard, un peu décontenancé, se leva et offrit sa chaise à Richard, qui en profita. La dame, sans attendre une présentation en règle, devina qu’elle avait devant elle le riche parent.

« C’est un poète si suave que Burns, dit-elle laissant tomber son lorgnon, et l’on est si heureux de rencontrer tant de jeunesse et d’enthousiasme, ajouta-t-elle en indiquant avec son éventail Léonard qui s’éloignait du milieu de la foule.

— C’est vrai, il est bien jeune, mon neveu… peut-être un peu trop !

— Ah ! ne vous en plaignez pas ! Les jeunes gens d’aujourd’hui, continua mistress M’Catchley en se redressant sur le sofa, affectent tous d’être si vieux ! Ils ne dansent pas, ils ne lisent pas, ils ne parlent pas beaucoup, et un grand nombre d’entre eux portent perruque avant vingt-deux ans. »

Richard passa machinalement sa main dans son épaisse chevelure.

« C’est un fort beau jeune homme que votre neveu, monsieur, » reprit mistress M’Catchley.

Richard poussa un profond soupir.

« Il paraît rempli de moyens. Il n’est pas encore à l’Université ? Ira-t-il à Oxford ou à Cambridge ?

— Je ne suis pas encore décidé à l’envoyer à l’Université.

— Quoi ! un jeune homme qui a de si belles espérances ! s’écria adroitement mistress M’Catchley.

— Comment ! qui a de si belles espérances ! répéta Richard s’enflammant. Vous aurait-il parlé de ses espérances ?

— Non, certainement, monsieur. Mais le neveu du riche M. Ave-