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Il était évidemment impossible qu’il continuât sa route. L’homœopathe aida à le déshabiller et à le mettre au lit ; et lui ayant administré un autre de ses mystérieux globules, il demanda à la maîtresse de l’auberge à quelle distance de là on trouverait le médecin le plus proche, car on était dans un petit village. Le pharmacien du pays n’était qu’à trois milles, mais en apprenant que les gens comme il faut employaient le docteur Dosewell, qui demeurait à sept bons milles de là, l’homœopathe poussa un profond soupir. La voiture ne s’arrêtait qu’un quart d’heure.

« Diable, fit-il avec colère, la noix vomique n’a pas produit d’effet. Ma sensibilité est chronique. Il me faudra beaucoup de temps pour en guérir. Holà ! garçon, descendez ma malle. Je n’irai pas plus loin ce soir.

Et le brave homme, après avoir soupé fort légèrement, remonta près du malade.

« Dois-je envoyer chercher le docteur Dosewell, monsieur ? demanda la maîtresse de l’auberge en s’arrêtant à la porte.

— Hum ! À quelle heure passe demain la première voiture pour Londres ?

— Pas avant huit heures, monsieur.

— Eh ! bien, faites demander au docteur d’être ici à sept heures. Cela nous délivrera pendant quelques heures de l’allopathie et du meurtre, » grommela le disciple d’Hahnemann, en entrant dans la chambre.

Fut-ce le globule administré par l’homœopathe, ou bien la nature, aidée du repos qui arrêta le crachement de sang et redonna au pauvre patient une force passagère, c’est ce qu’un homme qui n’est pas du métier ne peut se permettre de dire. Ce qui est certain c’est que M. Digby paraissait mieux ; et, après que le docteur eut approché son oreille de sa poitrine, qu’il l’eut ausculté avec soin et lui eut fait plusieurs questions, le malade tomba peu à peu dans un profond sommeil. Le docteur se retira alors dans un coin de la chambre et appuyant la tête sur sa main, il sembla méditer. Ses réflexions furent interrompues par la pression timide d’une petite main. Hélène était à genoux devant lui.

« Il est bien malade… bien mal ? dit-elle, et ses yeux tendres et scrutateurs étaient fixés sur le docteur avec l’expression du plus profond désespoir.

— Votre père est en effet très-malade, répondit le docteur après un court silence. Il ne pourra sortir d’ici que dans quelques jours au plus tôt. Je vais aller à Londres… faut-il prévenir vos parents et dire à l’un d’eux de venir vous rejoindre ?

— Non, je vous remercie, monsieur, dit Hélène en rougissant. Mais ne craignez rien ; je puis soigner papa toute seule. Je crois qu’il a déjà été plus mal que cela… du moins il se plaignait bien davantage. »

L’homœopathe se leva, fit deux fois le tour de la chambre et s’arrêta près du lit pour écouter la respiration du malade.