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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/240

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blanc et le pantalon gris perle, pour parler en style de tailleur, tombait bien sur les bottes. Une cravate de soie bleue et blanche était négligemment nouée autour de son cou. Une belle chemise garnie de boutons d’or ; une paire de gants paille ; un chapeau blanc placé sur le côté, d’une manière un peu trop apprêtée, complétaient la toilette : c’était un beau cavalier que notre ami Richard Avenel.

Beau et ayant le sentiment de sa beauté, riche et ayant le sentiment de sa richesse, roi de la fête et ayant le sentiment de cette royauté, Richard Avenel s’arrêta sur la pelouse.

Et voici que déjà la poussière s’élève sur la route ; voici que les cabriolets, les calèches, les chaises de poste, les voitures de louage arrivent à la file. Les invités venaient presque tous en même temps, comme on fait à la campagne.

Richard Avenel ne se sentit pas d’abord très à l’aise en recevant ses hôtes, surtout ceux qu’il ne connaissait que de vue ; mais quand les danses eurent commencé et qu’il eut pris la main de la belle mistress M’Catchley pour ouvrir le premier quadrille, il retrouva tout son courage et toute sa présence d’esprit. S’apercevant ensuite que bien des gens qu’il n’avait pas été recevoir paraissaient néanmoins s’amuser beaucoup, il abandonna le dessein qu’il avait eu d’accueillir en personne tous ceux qui vinrent par la suite, et ce fut un grand soulagement pour eux comme pour lui.

Léonard cependant regardait cette scène animée avec une mélancolie à laquelle il essayait en vain de se soustraire. Cette mélancolie est plus ordinaire qu’on ne le croit chez les jeunes gens qui assistent à de pareilles scènes. Il se retira dans un coin paisible, s’assit sous un arbre, et là, la tête entre ses mains, se mit à rêver. Heureux âge que celui où, quel que soit le présent, l’avenir paraît si beau et si vaste.

Mais le déjeuner avait succédé aux premières danses. Le champagne coulait royalement. Aussi quelle animation après la fête ! Le soleil commençait à descendre vers l’occident. Pendant un court intervalle entre les contredanses, les invités s’étaient groupés les uns sur la pelouse, les autres dans les allées. Les élégantes toilettes des dames, les joyeux éclats de rire qu’on entendait partout, un brûlant coucher de soleil pour couronner la fête, tout donnait à Léopard l’idée non d’un plaisir affecté et artificiel, mais d’une gaieté franche et réelle. Tiré de sa rêverie, il s’approcha timidement des groupes ; mais Richard Avenel, en compagnie de la belle mistress M’Catchley, dont le teint était plus animé, les yeux plus étincelants et la démarche plus élastique qu’à l’ordinaire, s’écartait du théâtre des plaisirs au moment même où Léonard s’en rapprochait, et se trouvait maintenant en ce même endroit, cet endroit reculé et obscur ombragé par les quelques arbres âgés de plus de cinq ans dont s’enorgueillissait la propriété de M. Avenel.

Et alors ! oh alors ! moment propice pour la plus douce des questions ! Lieu secret, si favorable pour murmurer timidement une proposition délicate ! Soudain de la pelouse, des groupes qui s’y étaient