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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/321

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Il rentra chez lui dans l’après-midi et trouva Hélène à la porte de la rue. Elle aussi était sortie, et ses joues pâles avaient une animation causée par un exercice auquel elle n’était pas accoutumée et aussi par le sentiment de la joie. Elle avait conservé jusqu’à ce jour les quelques pièces d’or que Léonard lui avait rendues pendant sa première visite chez miss Starke. Elle les avait employées à acheter des laines et de petits ouvrages à l’aiguille ; puis elle avait payé le loyer.

Léonard ne dit rien des emplettes qu’elle avait faites, mais il rougit beaucoup quand elle lui parla du loyer et se mit en colère. Il lui rendit le soir même ce qu’elle lui avait avancé, et Hélène gémit en silence de son orgueil, et pleura bien plus encore quand le lendemain elle s’aperçut du vide fait dans sa garde-robe.

Mais Léonard travaillait maintenant chez lui et travaillait avec courage. Hélène, assise près de lui, travaillait aussi. Le lendemain et le surlendemain se passèrent ainsi tranquillement, et le soir du second jour, il lui demanda si elle ne voulait pas venir se promener dans les champs. Elle sautait de joie à cette demande, quand tout à coup la porte s’ouvrit toute grande, et l’on vit entrer, en vacillant, John Burley, et dans quel état !


CHAPITRE VIII.

En même temps que Burley entra un autre homme qui chancelait également ; c’était un de ses amis qui avait été commerçant et qui aurait pu réussir, mais qui, par malheur, avait le goût de la littérature, et aimait avec passion entendre parler Burley, si bien que depuis qu’il avait fait connaissance avec l’esprit, ses affaires avaient cessé, et il avait déposé son bilan. C’était un gaillard de fort mauvaise mine, et son nez était encore plus rouge que celui de Burley.

John manqua de tomber sur la pauvre Hélène.

« Ainsi donc vous êtes le Penthée en jupons qui défiez Bacchus, » s’écria-t-il.

Et il débita d’une voix rauque un vers d’Euripide. Hélène s’enfuit. Léonard s’interposa :

« Fi donc ! Burley.

— Il est ivre, dit M. Douce, complètement ivre… Ne faites pas attention… à lui… Je disais donc, monsieur… j’espère que nous ne vous gênons pas. Asseyez-vous, Burley… voyons, asseyez-vous… et causons… Là… vous êtes un bon garçon. Il faut l’écouter… l’écouter… pa… pa… parler… monsieur. »

Cependant Léonard avait fait sortir Hélène et, la priant de ne pas s’effrayer, il avait fermé la porte. Il était alors revenu à Burley,