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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/359

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ferez bien de ne pas le blâmer de la honte, si naturelle et si louable, qu’il éprouve à paraître devant vous, je crois aussi que vous ne devez rien faire qui tende à atténuer ce bon sentiment. Par conséquent, si vous pouvez affecter un peu de colère au sujet de ses extravagances, cela ne lui fera que du bien.

— Vous parlez comme un livre ; je ferai de mon mieux.

— Menacez-le, par exemple, de lui faire quitter l’armée et de l’emmener à la campagne, cela produira un très bon effet.

— Quoi ! regarderait-il donc comme une punition bien sévère de venir vivre avec ses parents ?

— Je ne dis pas cela ; mais il aime beaucoup Londres, ce qui est du reste assez naturel à son âge et avec sa fortune.

— Sa fortune ! dit le squire d’un ton d’humeur ; j’aime à croire qu’il n’y songe pas. Diable, mon cher ! mais j’ai autant de chances de vivre que lui ! Sa fortune ! Sûrement le Casino lui revient de droit, mais pour le reste, j’en puis disposer à mon gré. Je pourrais léguer les terres d’Hazeldean à mon garçon de charrue, si je le voulais ! Sa fortune ! Vraiment !

— Mon cher monsieur, je n’ai pas l’intention de dire que Frank nourrit la pensée monstrueuse et dénaturée de spéculer sur votre mort ; tout ce que nous avons de mieux à faire, c’est de lui laisser jeter sa gourme, puis de le marier aussitôt que possible et de rétablir à la campagne, car s’il conservait ses habitudes et ses goûts de Londres… ce serait un grand danger pour le domaine d’Hazeldean. Et, ajouta Randal en riant, je m’intéresse vivement à tout ce qui touche Hazeldean, car ma grand’mère était une Hazeldean. Ainsi, faites semblant d’être sévère, et grondez-le un peu quand vous payerez les mémoires.

— Ah ! ah ! fiez-vous-en à moi, dit le squire d’un ton bourru et en fronçant le sourcil. Je vous suis bien obligé de vos conseils, mon jeune ami. » Et sa large main tremblait légèrement quand il la tendit à Randal.

Randal, en quittant l’hôtel, se hâta de retourner chez Frank.

« Mon cher garçon, dit-il en entrant, il est heureux que je vous aie donné le conseil de me laisser affronter le premier feu de votre père. Vous aviez bien raison de dire qu’il est emporté ; mais je me suis efforcé de l’apaiser. Vous n’avez pas à craindre qu’il refuse de payer vos dettes.

— Je n’ai jamais craint cela, dit Frank en changeant de couleur. Je ne craignais que sa colère. Mais vraiment, je redoute encore plus sa bonté. Quel stupide animal j’ai été ! Néanmoins, ce sera une leçon. Et mes dettes une fois payées, je deviendrai aussi économe que vous.

— À la bonne heure, Frank ! Mais je crains un peu que lorsque votre père connaîtra le total, il ne mette à exécution une menace qui vous sera désagréable.

— Quelle est cette menace ?

— Celle de vous faire vendre votre commission et de vous rappeler à Hazeldean.