Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/383

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rer l’information qu’elle désire obtenir. Prenez garde de vous trahir. Je jugerais par cette seule faiblesse de tout votre caractère. Celui à qui une femme fait révéler un secret ne sera jamais propre à la vie politique. » Vous voyez donc bien, ma chère marquise, que même en supposant que ce secret me soit connu, vous ne vous montreriez pas mon amie en me demandant de vous révéler ce qui mettrait en péril tout mon avenir. Car pour le moment, ajouta Randal avec une expression sombre et chagrine, je ne suis pas encore maître et debout, je plie et je suis dépendant.

— Il y aurait peut-être, dit Mme di Negra insistant, manière de me communiquer ce secret sans que M. Egerton pût vous en attribuer la découverte, et bien que je ne veuille pas vous questionner davantage, permettez-moi d’ajouter ceci : Vous me pressez d’accepter la main de votre ami, vous paraissez vous intéresser à son succès et vous plaidez sa cause avec une chaleur qui témoigne du prix que vous attachez à ce que vous croyez son bonheur. Eh bien, je n’accepterai jamais sa main, que je ne puisse le faire sans rougir de ma pénurie, que mon douaire ne soit assuré, et il ne peut l’être que par le mariage de mon frère avec la fille de cet exilé. Réfléchissez donc pour l’amour de votre ami à la manière dont vous pourriez m’aider dans la recherche qui est nécessairement le premier pas vers cette alliance. La jeune fille une fois découverte, mon frère n’a plus aucune crainte pour le succès de ses vœux.

— Et vous épouseriez Frank si votre douaire était assuré ?

— Vos arguments en sa faveur me paraissent irrésistibles, » répondit Béatrix en baissant les yeux.

Un éclair de triomphe traversa le regard de Randal et il réfléchit pendant quelques moments. Puis se levant lentement et mettant ses gants, il dit : « Vous réconciliez du moins mon honneur avec l’idée de vous aider dans votre recherche, en cela que vous m’assurez ne vouloir aucun mal à l’exilé.

— Du mal ! Nous voulons lui rendre sa fortune, ses honneurs, son pays natal !

— Et vous m’enrôlez sous votre bannière en me donnant l’espoir de contribuer au bonheur de deux amis qui me sont bien chers. Je vais donc faire tous mes efforts pour m’assurer si parmi les réfugiés que j’ai rencontrés se trouvent ceux que vous cherchez, et s’il en est ainsi, je réfléchirai à la meilleure manière de vous mettre sur la voie. En attendant, pas un mot à Egerton.

— Rapportez-vous-en à moi ; je connais le monde. »

Randal était près de la porte. Il s’arrêta et reprit négligemment :

« Il faut que cette jeune fille soit héritière d’une fortune immense, puisqu’un homme du rang de votre frère se donne tant de peine pour la découvrir.

— Sa fortune sera en effet considérable, répliqua la marquise ; et si quelque chose pouvait vous tenter dans un pays étranger, mon frère serait heureux de vous prouver sa gratitude.