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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/387

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— Il est vrai que je vous avais conseillé de payer cette seconde moitié de vos dettes avec votre pension. Si vous l’aviez fait, tout irait bien maintenant.

— Oui, mais le pauvre Borrowell était dans un tel embarras à Goodwood que je n’ai pu lui résister ; une dette d’honneur, il fallait bien l’acquitter ; en sorte que j’ai signé pour lui un billet qu’il n’a pu payer ; le pauvre garçon ! Réellement, il se serait brûlé la cervelle, si je n’avais consenti à le renouveler. Et maintenant, avec ces maudits intérêts, la somme est devenue si considérable qu’il ne pourra jamais la payer ; un billet naturellement en engendre un autre, et il faut les renouveler tous les trois mois ; c’est le diable et tout ce qui s’ensuit ! Quand on pense au peu que j’ai reçu pour tout ce que j’ai emprunté, ajouta Frank avec une sorte d’étonnement lamentable. À peine ai-je eu quinze cents livres d’argent comptant, et aujourd’hui l’intérêt annuel me coûterait à peu près autant, si je l’avais.

— Vous n’avez eu que quinze cents livres !

— Oui, avec sept grandes boîtes de cigares, les plus mauvais que j’aie jamais fumés ; trois tonneaux de vin que personne n’a pu boire, et un gros ours qu’on avait importé de Groenland à cause de sa graisse.

— Ceci du moins doit vous avoir épargné un mémoire de votre coiffeur.

— J’ai payé son mémoire avec, dit Frank, et il a été bien obligeant de me débarrasser de ce monstre, qui avait déjà en se jouant failli étouffer deux soldats et mon groom. J’ai bien envie, dit Frank se résumant après une pause, même maintenant, d’avouer franchement tous mes embarras à mon père.

Randal (d’un air grave). Hum !

Frank. Quoi ! Ne croyez-vous pas que ce soit le meilleur moyen d’y mettre un terme ? Je ne pourrai jamais assez économiser pour payer ce que je dois, et mes dettes font la boule de neige.

Randal. À en juger par la façon de parler du squire, je crois que la connaissance de vos affaires vous retirerait pour toujours ses bonnes grâces ; et puis votre mère serait si affligée, surtout après avoir cru que la somme que je vous ai apportée il y a quelque temps devait suffire à payer toutes vos dettes. Si vous ne le lui aviez pas assuré, ce serait différend, mais elle qui hait tant le mensonge et qui répétait au squire : « Frank dit que ceci payera tout, et malgré toutes ses fautes, Frank n’a jamais menti ! »

— Chère bonne mère ! Je crois l’entendre ! s’écria Frank vivement ému. Mais je n’ai pas menti, Randal. Je n’ai pas dit que cette somme dût me libérer entièrement.

— Vous m’avez chargé et prié de le dire, répliqua Randal d’un ton grave et froid, ne me blâmez pas si je vous ai cru.

— Non, non ! J’ai seulement dit que cela me dégagerait pour le moment.

— Alors, je vous ai mal compris et de telles erreurs touchent à mon honneur. Pardon Frank, mais ne me demandez plus désormais