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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/57

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LIVRE II.


CHAPITRE I.

« C’est un charmant endroit, pensa Frank, en ouvrant la porte qui conduisait à travers un champ au Casino, dont les blanches colonnes semblaient lui sourire de loin. Je suis néanmoins surpris que mon père, qui en général est si minutieux, laisse tant de trous et d’ornières sur cette route. Monsignor ne reçoit pas de nombreuses visites, à ce qu’il paraît. »

Mais quand Frank pénétra dans le jardin qui précédait immédiatement la maison, il vit que rien n’y avait besoin de réparations. Tout y était tenu avec tant de soin, que Frank regrettait les trous que faisaient dans le sable les sabots de son cheval. Il sauta à terre, attacha l’animal à un arbre, et se dirigea vers la porte vitrée du milieu.

Il tira la sonnette une fois, deux fois, mais personne ne répondit ; car la vieille servante, qui avait l’oreille dure, était au fond de la cour à la recherche de quelques œufs que la poule avait peut-être cachés sournoisement, et dont elle avait besoin pour sa cuisine. Pour Jackeymo, il était occupé à pêcher des épinoches et des vérons, qui devaient, quand ils seraient pris, aider les œufs, quand ils seraient trouvés, à soutenir le corps et l’âme du maître, aussi bien que le corps et l’âme du serviteur. Frank tira une troisième fois la sonnette avec l’impétuosité de son âge.

« Diavolo ! se dit Riccabocca, qui était dans son belvédère, on dit que les jeunes coqs chantent haut quand ils sont sur leur propre fumier ; mais celui-ci doit être un coq de haute volée pour chanter si haut sur le fumier d’un autre. »

Sur quoi, dégringolant de la serre, il apparut tout à coup devant Frank. Il était vêtu d’une robe de chambre de serge noire, assez semblable à celle des magiciens ; un bonnet rouge était posé sur sa tête, et un nuage de fumée s’échappait rapidement de ses lèvres, comme si, avant d’ôter sa pipe de sa bouche, il lançait une bouffée dernière et consolatrice. Frank avait déjà vu le docteur, mais jamais sous un costume si scolastique, et il tressaillit à son apparition.

« Signorino, dit l’Italien en ôtant son bonnet avec sa politesse habituelle, veuillez excuser la négligence de mes gens ; je suis du reste trop heureux de recevoir moi-même vos ordres.