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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/70

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riche, dans la vie publique, reçoit fréquemment des demandes d’argent : personne n’accédait à ces demandes d’une manière plus princière qu’Audley Egerton. Mais parmi ses nombreuses actions libérales, la plus digne d’éloges était la conduite généreuse qu’il tenait à l’égard du fils d’un parent pauvre et éloigné de sa femme, M. Leslie de Rood-Hall.

Quelques générations auparavant avait vécu un certain squire Leslie, homme qui possédait de nombreux arpents de terre et un esprit actif. Il avait eu sujet de se plaindre de son fils aîné, et, sans le déshériter entièrement, avait laissé la moitié de son bien à son second fils.

Celui-ci avait de l’esprit et de l’activité, ce qui justifiait la décision du père. Il accrut sa fortune et s’attira l’estime et la considération de ses concitoyens par des services publics et par la noble alliance qu’il contracta. Ses descendants suivirent son exemple, et prirent rang parmi les membres les plus importants des communes, jusqu’au dernier mâle, qui, en mourant, laissa pour unique héritière de ses biens, sa fille Clémentine, qui épousa M. Egerton.

Cependant le fils aîné du squire ci-dessus mentionné avait mangé et bu sa part de la fortune des Leslie, et avili le nom qu’il portait par ses rapports familiers avec les basses classes de la société.

Ses successeurs l’imitèrent, si bien qu’il ne resta au père de Randal, M. Maunder Slugge Leslie, qu’une maison en ruines, qui était ce que les Allemands appellent le Stamen-Schloss ou la maison souche de la race, avec les terres incultes qui l’entouraient.

Cependant, quoique tout rapport entre les deux branches de la famille eût cessé, le cadet des Leslie avait toujours conservé du respect pour son aîné, le chef de sa maison ; et l’on supposa que mistress Egerton, avait en mourant recommandé à son mari le pauvre parent, représentant de son nom, car Audley à son retour à Londres, après la mort de sa femme, avait envoyé à M. Maunder Slugge Leslie la somme de cinq mille livres sterling que celle-ci, disait-il, l’avait prié de vive voix de donner à ce gentleman. Il lui demanda de plus la permission de se charger de l’éducation de son fils aîné.

M. Maunder Slugge Leslie aurait pu, avec ces cinq mille livres sterling, améliorer beaucoup sa petite propriété, ou bien placer sur le trois pour cent cette somme, dont le revenu aurait grandement ajouté à son bien-être intérieur ; mais un homme d’affaires du voisinage, ayant eu vent de cet héritage, obtint qu’il le lui remît, sous prétexte de le placer avantageusement, et une fois en possession des cinq mille livres, s’enfuit en Amérique.

Randal, placé par M. Egerton dans une excellente école préparatoire, ne donna d’abord aucun signe d’habileté ou de talent. Mais au moment où il allait en sortir, un professeur, jeune ambitieux venu d’Oxford, entra dans l’école. C’était un maître excellent, et son zèle produisit un grand effet sur les élèves en général, et sur Randal Leslie en particulier. Il leur parlait en tête-à-tête des avantages de