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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/73

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tention de me regarder comme son instrument ; d’ailleurs, je suis l’ami intime de lord L’Estrange.

— Ce singulier personnage revient-il quelquefois en Angleterre ?

— Il vient habituellement tous les ans passer quelques jours ici pour voir son père et sa mère, puis s’en retourne sur le continent.

— Je ne le vois jamais.

— Il vient toujours pendant le mois de septembre ou d’octobre, époque à laquelle vous n’êtes pas à Londres, et c’est à Londres qu’il voit sa famille.

— Pourquoi ne va-t-il pas à Lansmere ?

— Je pense qu’un homme qui ne vient qu’une fois par an en Angleterre, et pour quelques jours seulement, a beaucoup à faire à Londres.

— Est-il toujours aussi amusant ? »

Egerton secoua la tête.

« Quand on songe que c’eût pu être un homme si distingué, fit lord Westbourne.

— Mais c’est un homme distingué, dit gravement Egerton ; un officier d’élite, remarqué même à Waterloo, et en même temps un homme instruit, du goût le plus délicat, un gentleman accompli, sans pareil !

— Je suis heureux d’entendre un homme en louer un autre avec autant de chaleur, dans un temps où l’amitié est si rare, répondit lord Westbourne. Mais cependant, bien que lord L’Estrange mérite, j’en suis certain, les éloges que vous lui donnez, n’êtes-vous pas d’avis qu’il perd son temps à vivre ainsi au loin ?

— Et à chercher le bonheur, Westbourne ! Êtes-vous bien sûr que ce n’est pas nous qui perdons notre temps ? Mais je ne puis écouter votre réponse. Nous voici arrivés à la parte de ma prison.

— À samedi donc.

— À samedi. Adieu. »

Une heure ou deux plus tard, M. Egerton était occupé des affaires de l’État. Il profita ensuite d’un moment de répit pour faire sa correspondance. Il en eut bientôt fini avec les lettres d’affaires, et, jetant de côté ses réponses, qu’un subordonné devait cacheter, il tira les lettres qu’il avait placées à part, comme traitant d’intérêts personnels.

Il s’occupa d’abord de celle de son intendant ; elle était longue : la réponse ne fut que de trois lignes. Audley Egerton se montrait presque aussi insoucieux de ses intérêts propres que le grand Pitt, et cependant les ennemis d’Audley Egerton disaient de lui que c’était un égoïste.

Sa seconde lettre était adressée à Randal, et, quoique plus longue que la première, elle était bien loin encore d’être prolixe. Voici ce qu’elle contenait :

« Cher monsieur Leslie, j’apprécie la délicatesse que vous avez mise à me consulter avant d’accepter l’invitation de Frank Hazeldean.