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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 1.djvu/82

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« Quelle différence y a-t-il entre un ennemi qui ne me fait point de mal et un ami qui ne me fait point de bien ? Monsignore san Giacomo, mon saint patron, vous m’êtes de peu d’utilité dans ma bourse de cuir, mais si vous pouviez m’aider dans cette importante circonstance à me procurer une paire de hauts-de-chausses, vous seriez un bon ami. Alla bisogna, monsignore. » Puis, baisant le médaillon, il le fit glisser dans une poche, mit les pièces dans une autre, fit un paquet des deux vêtements défunts, et murmurant : « Misérable que je suis de déshonorer le padrone, quand j’ai pu faire de telles économies à son service ! » il descendit en courant à l’office, y prit son chapeau et son bâton, et, quelques moments après, il marchait à grands pas vers la ville.

Le pauvre Italien réussit apparemment dans ses emplettes, car il rentra le soir à temps pour préparer le maigre gruau qui servait de souper à son maître, rapportant un vêtement noir complet, un peu râpé, mais encore fort convenable, deux devants de chemises et deux cravates blanches. Mais de tout ce luxe de vêtements, c’était le haut-de-chausses que Jackeymo tenait surtout en vénération : il avait coûté juste le prix que Jackeymo avait tiré du médaillon, et il lui semblait que saint Jacques avait entendu sa prière quant à la partie du vêtement sur laquelle il avait surtout dirigé l’attention du saint. Les autres vêtements, il les avait acquis par la voie ordinaire de vente et d’échange ; le haut-de-chausses, il le devait à la généreuse intervention de san Giacomo.


CHAPITRE VI.

On a fait de la vie bien des comparaisons ingénieuses, et si nous ne la comprenons pas mieux, ce n’est pas faute de ce que l’on appelle « les raisonnements par illustration. » Entre autres ressemblances, il y a des moments où, aux yeux d’un observateur paisible, elle offre l’image d’un de ces jeux tournants des foires connus sous le nom de tourniquets ou jeux de bagues, dans lesquels chaque joueur, assis sur son cheval, semble toujours occupé à poursuivre quelqu’un qui est devant lui, tandis qu’il est poursuivi lui-même par celui qui le suit. L’homme, et la femme aussi, sont naturellement des animaux chasseurs. Le plus haut placé trouve encore quelque chose à poursuivre, et il n’y a si humble personnage qui ne puisse être un objet de proie pour un autre. C’est ainsi qu’en arrêtant nos regards sur le village d’Hazeldean, nous voyons assis sur son cheval de bois le docteur Riccabocca à la poursuite de Lenny Fairfield ; et miss Jemima sur sa selle de côté poursuivant le docteur Riccabocca. Pourquoi miss Jemima, après avoir conservé si