Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/2

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MON ROMAN.




LIVRE VII.


CHAPITRE I.

Ce n’avait pas été sans beaucoup d’insistance de la part de Giacomo, que Riccabocca avait consenti à s’établir dans la maison recommandée par Randal. Non que l’exilé eût conçu le moindre soupçon fâcheux contre le jeune homme, excepté celui que partageait Giacomo, savoir, que l’intérêt de Randal pour le père prenait sa source dans une admiration bien excusable et bien naturelle pour la fille. Mais l’Italien avait l’orgueil qui sied au malheur, il lui répugnait de contracter des obligations, et il redoutait la pitié de ceux auxquels était connue sa grandeur passée. Néanmoins, son affection pour sa fille et la crainte que lui inspirait son ennemi triomphèrent de ses scrupules.

Riccabocca, physiquement le plus brave des hommes, tandis que sur certains points il en était moralement le plus timide, redoutait moins le comte comme ennemi que comme amant de sa fille. Il se rappelait la merveilleuse beauté de son parent, ses succès auprès des femmes, il le savait versé dans l’art de corrompre et complètement dépourvu de conscience. Riccabocca s’était malheureusement accoutumé à faire si peu d’estime du sexe féminin, que même le caractère élevé et pur de Violante ne lui semblait pas une sauvegarde suffisante contre la ruse et l’audace d’un intrigant habile et sans scrupule.

Riccabocca se demandait avec anxiété s’il devait ou non confier à Violante la nature du danger qu’il redoutait pour elle. Il lui avait dit vaguement que c’était à cause d’elle qu’il désirait le secret et la retraite, mais cela pouvait signifier bien des choses ; d’ailleurs quel danger pouvait l’atteindre lui-même sans menacer sa fille ? Cependant en dire davantage c’était agir en opposition avec ses propres idées et ses maximes machiavéliques. Dire à une jeune fille : il y a un