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Page:Bulwer-Lytton - Mon roman, 1887, tome 2.djvu/355

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choisi pour découvrit l’injure faite à la mère ? Qui a-t-il chargé de la venger ? Votre fils, votre fils abandonné et sans nom !

— Mon fils…

— Que j’ai sauvé de la faim ou de pis encore, et qui en retour a mis entre mes mains les preuves de votre parjure et de votre lâche séduction.

— C’est faux ! c’est faux ! s’écria Egerton, retrouvant aussitôt sa dignité et son énergie. Je vous défends de parler ainsi, d’insulter à la mémoire de ma femme, de mon épouse légitime.

— Ah ! fit Harley surpris. C’est faux, dites-vous, prouvez-le donc, prouvez-le et j’oublie ma vengeance ! Dieu soit loué !

— Que je le prouve ! Mais rien n’est plus facile. Et pourquoi ai-je retardé cette preuve, pourquoi l’ai-je cachée, sinon par tendresse pour vous, par crainte aussi, par la crainte égoïste, mais affectueuse de perdre en vous le seul ami auquel je tinsse, le seul qui dût verser une larme sincère sur la tombe décorée d’une de ces menteuses épitaphes par lesquelles il convient aux desseins d’un parti de proclamer la gratitude d’une nation. Vain espoir ! J’y renonce. Mais vous parliez d’un fils. Hélas ! là encore vous êtes dans l’erreur. J’appris, il y a bien des années, que j’avais un fils. Je le cherchai et je ne trouvai qu’une tombe. Mais soyez béni Harley, si vous avez secouru quelqu’un que vous avez cru l’enfant de Léonora ! Et en disant ces mots, Egerton tendait sa main.

— Nous parlerons tout à l’heure de votre fils, dit Harley attendri. Mais auparavant, permettez que je vous demande d’expliquer… laissez-moi espérer que vous pourrez atténuer ce que…

— Vous avez raison, interrompit Egerton avec empressement. Vous devez enfin apprendre de ma propre bouche l’histoire de mes torts envers vous. Cela nous est nécessaire à tous deux. Écoutez-moi patiemment. »

Et alors Egerton raconta son propre amour pour Nora, ses luttes contre ce qu’il savait être une trahison envers son ami ; comment il avait découvert l’amour de Nora pour lui, et comment cette découverte avait subitement triomphé de toutes ses résolutions ; puis leur secret mariage, leur séparation ; la fuite de Nora qu’Audley attribuait encore aux vagues soupçons qu’elle avait à tort conçus sur la légalité de leur mariage, et a son impatience de voir proclamer le lien qui les unissait.

Ici Harley interrompit Audley pour lui faire quelques questions ; les réponses claires et promptes de celui-ci lui permirent de comprendre les artifices au moyen desquels Lévy avait dénaturé les faits ; et il pressentit vaguement que la cause des mensonges de l’usurier était la criminelle passion inspirée à celui-ci par la malheureuse Nora.

« Egerton, dit Harley étouffant avec effort sa colère contre le vil suborneur qui avait trompé la femme et le mari ; si en lisant ces papiers, vous comprenez que les soupçons et la fuite de Léonora avaient des causes plus graves que vous ne le croyez maintenant, et que vous découvriez la perfidie d’un homme auquel vous aviez confié votre