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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/238

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maisons), qui s’élevaient des deux côtés de notre route. Seulement, par ci par là, une lampe isolée versait une lumière malingre sur les ruelles sinistres et tortueuses, (par parenthèse ruelle est un mot bien poli pour la chose) à travers lesquelles nos pas éveillaient un bruit solitaire. Quelquefois cette faible lumière était tout à fait interceptée et je pouvais à peine saisir le vague contour des formes de mon compagnon. Cependant, il faisait des enjambées à travers les ténèbres avec la rapidité machinale d’un homme qui connaît chaque pavé. J’écoutais avec la plus vive attention pour saisir la voix du watchman ; c’était en vain. C’étaient des accents qui ne se faisaient jamais entendre dans ces retraites désolées. Mon oreille ne saisissait que le bruit de nos propres pas, ou les éclats accidentels de quelque obscène, de quelque infâme orgie qui sortaient d’une masure mal close. De temps en temps quelque malheureux, réduit à la plus abjecte extrémité par le besoin, venait, en guenilles dégoûtantes, à la lueur des quinquets rares et fumeux, interrompre notre marche par des sollicitations qui me glaçaient le sang dans les veines. Petit à petit ces simulacres même de vie cessèrent aussi… la dernière lampe se déroba entièrement à nos yeux ; nous tombâmes dans la plus complète obscurité.

« Nous voici au terme de notre voyage, » murmura Jonson.

À ces mots mille fâcheuses réflexions firent irruption malgré moi dans mon esprit : j’étais sur le point de faire un plongeon dans la plus secrète retraite de ces hommes dont une longue habitude de bassesse et d’immoralité avait endurci le cœur au point de lui laisser peu d’analogie avec le mien. Désarmé et sans défense, j’étais au moment de pénétrer un secret dont leur vie dépendait peut-être. Je n’avais rien à attendre d’eux qu’une main sûre armée du couteau meurtrier, car l’instinct de la conservation justifie les moyens les plus extrêmes aux yeux de ces misérables ? Et quel était mon compagnon ? Un homme qui littéralement se glorifiait de la perfection de ses pratiques odieuses, qui n’était peut-être pas allé jusqu’au bout dans la carrière du crime, mais qui ne désavouait pas les principes qui y