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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/254

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de vin. Je n’ai jamais eu la tête forte : il le savait, et me pressa de boire avec tant d’adresse que je ne savais plus ce que je faisais, ni ce que je disais. Alors il s’étendit longuement sur notre position gênée. Ce n’était pas pour lui, disait-il ; il était garçon et il ne lui fallait pour vivre qu’une pomme de terre ; mais moi, j’avais à ma charge une femme et un enfant que je ne pouvais laisser mourir de faim. Sir John m’avait déshonoré publiquement ; j’étais un homme perdu pour les courses, aucun gentleman ne voudrait plus parier avec moi, et mille autres choses du même genre. Quand il fut sûr de l’effet qu’il avait produit sur moi, il me dit alors qu’il avait vu sir John recevoir une forte somme qui suffirait et au delà pour payer nos dettes et nous faire vivre en vrais gentlemen ; puis, enfin, il me proposa de le voler. Tout gris que j’étais, je fus un peu ému de sa proposition. Cependant les termes railleurs sous lesquels il déguisait la grandeur et le danger du crime, les diminuèrent extrêmement l’un et l’autre à mes yeux, bref je finis par consentir.

« Nous allâmes à l’hôtel de sir John et nous apprîmes qu’il venait de sortir ; nous nous mîmes aussitôt à sa poursuite. Il était déjà nuit close. À quelque distance de la grande route, après nous être engagés dans un sentier étroit nous dépassâmes un homme à cheval. Je remarquai seulement qu’il était enveloppé dans un manteau, mais Thornton me dit positivement : « Je connais bien cet homme, il a suivi Tyrrel tout le jour, et quoiqu’il essaye de se cacher, j’ai pénétré son déguisement : c’est le mortel ennemi de Tyrrell.

« Au pis aller, ajouta Thornton (paroles que je ne compris pas en ce moment), nous pouvons toujours faire retomber sur lui la chose.

« Un peu plus loin, nous tombâmes sur Tyrrell et sur un gentleman, à notre grand désappointement. Le cheval du gentleman avait éprouvé un accident, et Thornton mit pied à terre pour lui offrir ses services. Il assura le gentleman que la bête était tout à fait estropiée et ne pourrait guère le ramener chez lui ; il proposa alors à sir John de nous accompagner en lui disant que nous le remettrions