Aller au contenu

Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la cordc de l’arc ; de vous mêler un peu plus aux vivants et de faire part aux hommes, soit dans la conversation soit par écrit, de toutes ces connaissances que vous avez amassées par un travail de plusieurs années ? Venez, sinon à la ville, du moins dans le voisinage ; le revenu de votre charge suffira pour vous le permettre sans inconvénient. Laissez vos livres dans votre bibliothèque, abandonnez votre troupeau à votre vicaire et… vous secouez la tête, est-ce que mes paroles vous déplaisent ?

— Non, non, mon bon et généreux conseiller ; mais où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute. Je n’ai pas été sans avoir cette ambition vaine et insensée, la première passion qui pénètre dans le vaisseau agité et tourmenté de notre âme, et la dernière qui abandonne son pont ravagé et brisé par la tempête ; mais mon âme à moi, a découvert et atteint son but à un âge où chez les autres, il n’y a encore que vague et incertitude ; elle se nourrit de souvenirs, et ne veut pas s’aventurer sur une mer inconnue, à la poursuite d’un but incertain. Quant à mes études, comment pouvez-vous, vous qui avez bu abondamment à cette vieille source de Castalie, me conseiller de les quitter ? Est-ce que les anciens ne sont pas ma nourriture, ma consolation, mes amis, mes bienfaiteurs, ma joie ? Enlevez-les moi, et vous m’enlevez l’air et la lumière. D’ailleurs, mon cher Pelham, il y a une chose qui ne peut avoir échappé à votre observation, c’est qu’il est peu probable, d’après mon état actuel de santé, que je sois destiné à vivre de longues années. Le peu de jours qui me restent doivent être employés comme ceux qui les ont précédés ; quelles que soient les infirmités de mon corps, et les petits désagréments qui, je le crains, attendent les hommes les plus heureux alors qu’ils sont unis par les liens de l’hyménée à cette partie mobile et flottante de la création que nous appelons les femmes, j’ai mon refuge et ma consolation dans le poétique et divin Platon au cœur d’or. Je l’ai aussi dans la sentencieuse sagesse de Sénèque, qui a banni de ses ouvrages l’imagination. Eh bien, lorsque je suis averti de ma fin prochaine par les symptômes qui se pressent et éclatent en moi dans le silence de la nuit, j’éprouve un plaisir qui