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Page:Bulwer-Lytton - Pelham, 1874 tome II.djvu/97

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vais historiens de nos mœurs que les écrivains qui ne sont pas gentilshommes. Dans un ouvrage que je ne veux pas nommer, parce qu’il est très-populaire, les dialogues sont d’une roideur et d’un collet-monté tout à fait ridicules. L’auteur nous représente des comtesses dont la conversation ne roule que sur leur famille, et des comtes qui ne savent que citer des titres. Il n’y est question que de rang, de dignité, de préséance, comme si les plus grands d’entre nous n’étaient pas trop absorbés par les petites affaires de ce bas-monde pour avoir le temps de s’occuper de ces vanités-là ! Il n’y a qu’un moyen, pour un homme d’esprit, de bien crayonner le beau monde, c’est de se persuader que les ducs, les lords et les nobles princes, boivent, mangent, parlent, et marchent absolument comme tous les autres êtres civilisés, à quelque classe qu’ils appartiennent. Il faut qu’il sache que les sujets de conversation sont le plus souvent les mêmes dans toutes les sociétés, avec cette différence seulement que, chez nous, on se parle avec plus de familiarité et d’aisance que dans les sociétés qui sont au-dessous de la nôtre et où l’on se figure que les personnes de haut rang doivent être majestueuses, que les affaires de l’État se traitent avec solennité, comme cela se voit dans les tragédies, que nous nous donnons sans cesse du monseigneur les uns aux autres, que nous nous moquons des bourgeois et que nous faisons nos papillotes avec des feuillets du livre de Debrett sur la pairie. »

Nous accueillîmes par un rire approbateur ce discours plein de vérité.

« Il n’y a rien, dit lady Dawton, qui m’amuse comme de voir la distinction que les romanciers cherchent à établir entre les gens titrés et ceux qui ne le sont pas. Ils semblent ignorer tout à fait qu’un bourgeois d’une famille ancienne et d’une grande fortune est parfois d’un rang plus élevé en réalité, jouit de plus d’estime et a même plus de poids dans ce qu’ils appellent la fashion que bien des membres de la chambre haute. Ce qui m’amuse le plus, c’est qu’ils ne veulent voir aucune différence entre tous les gens titrés : pour eux, lord A…., le petit baron, a exactement la même valeur que lord Z…, le grand marquis ; ils