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Page:Burke Edmund - Recherche philosophique sur l origine de nos idees du sublime et du beau - 1803.djvu/64

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DU GOUT

remarqué. Mais un défaut de la plus profonde connaissance critique en anatomie ne saurait nuire au bon goût naturel du peintre, ou à ce lui d’un observateur ordinaire de son ouvrage, pas plus que le défaut d’une connaissance exacte dans la manière de faire les souliers. On montra à un empereur turc un très-beau tableau où était représentée la tête décollée de Saint-Jean-Baptiste ; parmi plusieurs choses qu’il loua, il aperçut un défaut : il observa que la peau ne se retirait pas de la partie du cou où le fer avait passé. Dans cette occasion, le sultan ne montra pas plus de goût naturel que l’auteur du tableau, et que mille connaisseurs européens qui probablement n’auraient jamais fait la même remarque. Sa majesté turque avait été en effet très-bien instruite de ce terrible spectacle, que les autres ne pouvaient connaître qu’en imagination. En ce qui regarde leur censure, il y a entre toutes ces personnes une différence réelle, qui vient des genres et des degrés différens de leur connaissance. Mais il est quelque chose de commun au peintre, au cordonnier, à l’anatomiste et au sultan, c’est le plaisir résultant de l’objet naturel, autant que chacun trouve l’imitation exacte ; la satisfaction de voir une figure agréable ; la sympa-