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Page:Burke Edmund - Recherche philosophique sur l origine de nos idees du sublime et du beau - 1803.djvu/72

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DU GOUT

Un défaut de jugement est la cause d’un mauvais goût. Ce défaut peut provenir d’une faiblesse naturelle d’entendement, en quoi que puisse consister la force de cette faculté ; ou, ce qui arrive beaucoup plus communément, il peut procéder d’un manque d’exercice convenable et bien dirigé, qui seul est propre à lui donner de la force et de la justesse. Outre cela, l’ignorance, l’inattention, le préjugé, la précipitation, la légèreté, l’obstination, en un mot, toutes ces passions et tous ces vices, qui corrompent le jugement sur d’autres matières, ne lui nuisent pas moins dans le goût, qui est sa partie la plus délicate et la plus élégante. Ces causes produisent différentes opinions sur chaque chose qui est un objet de l’entendement, sans nous porter à supposer qu’il n’y ait point, de principes fixes de raison. Et, par le fait, on peut remarquer généralement que les hommes diffèrent moins sur les objets du goût que sur la plupart de ceux qui dépendent de la pure raison ; et qu’ils s’accordent beaucoup mieux sur l’excellence d’une description de Virgile, que sur la vérité ou la fausseté d’une théorie d’Aristote.

La justesse du jugement dans les arts, qu’on peut appeler bon goût, dépend en grande