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Page:Burney - Evelina T1 1797 Maradan.djvu/273

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J’étois très-inquiète du sort de madame Duval ; je descendis d’abord du carrosse pour la chercher. Je demandai au domestique de me montrer le chemin qu’elle avoit pris ; il me l’indiqua par signe. Je courus vers cet endroit et bientôt je trouvai la pauvre femme assise dans un fossé. Un mouvement de pitié me fit voler à son secours. Elle sanglotoit, ou plutôt elle rugissoit de colère. Dès qu’elle m’apperçut elle redoubla ses cris, mais d’une voix si entrecoupée, qu’il n’y eut pas moyen de comprendre un mot de ce qu’elle disoit. Je sentis dans cet instant combien j’avois eu tort de favoriser, par mon silence, les projets du capitaine, et peu s’en fallut que je ne me récriasse contre sa barbarie. Je fis tout ce que je pus pour consoler madame Duval ; je tâchai de la persuader que nous étions maintenant hors de danger, et je la suppliai de retourner avec moi au carrosse.

Elle ne me répondit rien, mais en écumant de rage, et en frappant des deux mains contre terre, elle me fit signe de regarder ses jambes.

Je vis alors qu’on les lui avoit liées avec une grosse corde qui étoit attachée à un arbre : je voulus défaire le nœud ;