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Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/17

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comme les hommes vivent en société et n’ont jamais pu ni voulu vivre isolés, l’idée de Dieu, telle qu’elle est dans l’esprit de chaque homme, ne tarde pas à être mise au jour sous la forme qu’il croit la mieux adaptée à sa pensée et la plus propre à être comprise. Ni l’histoire ni l’observation des faits actuels ne signalent une société d’hommes où les choses se soient passées autrement. La linguistique qui remonte beaucoup plus haut que l’histoire dans le passé de l’humanité, prouve que la notion de Dieu fut représentée dans le langage le plus ancien par des termes vulgaires compris de tout le monde, c’est-à-dire par des noms communs, longtemps avant d’être exprimée par des noms propres. Si je prononce les noms d’Athéna, de Zeus, d’Héphaistos, un homme de nos jours n’ayant point reçu une éducation classique entendra des sons qui n’apporteront à son esprit aucune idée. Les Grecs étaient certainement aussi ignorants que lui du sens de ces mots ; mais c’était des noms réveillant dans leur mémoire le souvenir de certaines figures divines représentées dans les temples, et auxquelles ils rattachaient certaines pensées religieuses : en un mot, c’était pour eux des personnes divines, et ces mots étaient des noms propres. Quand on remonte plus haut dans le passé et jusqu’aux hymnes du Vêda, les noms des dieux y sont des noms communs et souvent même des adjectifs, exprimant une idée que tout le monde pouvait avoir : Agni, Sûrya, Vâyu, Rudra sont des divinités ; mais dans la langue usuelle ces mots signifient le feu, le soleil, le vent, le pleureur.

Il est donc certain qu’à une époque reculée les notions individuelles de Dieu furent mises en commun. Dans les temps plus modernes, la notion de Dieu s’éclaira et s’épura dans les esprits par la transmission, c’est-à-dire par la discussion et par l’enseignement. J’ajoute que c’est aussi par ce moyen qu’elle se fixe en quelque