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Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/80

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représentent, non le principe producteur et le principe destructeur de l’univers, comme on l’a cru longtemps, mais la personne divine qui anime les êtres vivants et celle par qui vont se résoudre en Dieu toutes les formes de la vie. Si l’on voulait trouver dans les doctrines indiennes un pendant à la seconde personne de la trinité chrétienne, c’est Vishnou qu’il faudrait choisir ; mais les différences que l’on rencontrerait seraient fondamentales, puisque Vishnou n’est pas fils de Brahmâ et qu’il fait partie d’un système panthéiste. Quant à Çiva, il n’y a rien dans le christianisme qui lui corresponde, parce que la loi de retour ne s’y rencontre pas réellement.

Néanmoins, une fois que les brâhmanes eurent conçu l’unité absolue de l’être, se trouvant en présence de la multiplicité des êtres vivants qui peuplent l’univers et qui sont soumis aux lois immuables de la génération, de la transmission et de l’analogie des formes, ils furent naturellement conduits à la théorie de l’incarnation, qui n’est au fond que celle de l’âme universelle ou de Vishnou. En effet, dans la doctrine de la création, Dieu demeure substantiellement séparé des êtres créés, comme ceux-ci le sont entre eux : l’univers est un monceau de sable. Cette doctrine n’a pas pour conséquence l’incarnation : c’est ce que prouvent la philosophie moderne, qui n’en parle pas, la doctrine judéo-arabe, qui la rejette, et la doctrine chrétienne, qui la présente comme un miracle et comme un mystère. Mais dans le panthéisme, il y a toujours une théorie qui ressemble à celle de l’incarnation ; dans le brâhmanisme, l’incarnation est une conséquence naturelle des principes admis.

Vishnou est la personne divine qui s’incarne : elle ne s’incarne pas une fois et par un miracle ; elle s’incarne toujours et partout. Il n’est pas un être vivant, si infime qu’il soit, qui ne porte en lui-même Vishnou in-