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Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/91

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devenus étrangers à la langue populaire, la signification des dieux, des héros, de leurs légendes fut oubliée, même des prêtres. Les héros et les divinités communes furent tenus pour des personnes réelles existant dans un monde supérieur ou pour des personnages historiques, auxquels les familles royales se firent un point d’honneur de se rattacher. Ainsi le polythéisme tourna à l’anthropomorphisme : les plus grands dieux, comme les plus humbles héros, furent représentes avec la forme humaine.

Toute la civilisation grecque et romaine a vécu sur cette idée. Et telle est bien la tendance naturelle du polythéisme, puisque, dans des conditions sociales assez différentes, le même fait se produisit, non seulement chez les autres peuples âryens, mais encore chez les Égyptiens et les Sémites.

De là vint pour les Grecs la possibilité d’admettre certaines divinités étrangères, telles que les Cabires et les Pygmées, plus tard Sabazios, Adonis, Sérapis et, dans les temps romains, Mithra. Toutefois à l’origine, l’influence sémitique ou égyptienne avait été très-petite, ne s’était exercée que sur quelques points des rivages et n’avait introduit aucun élément essentiel dans le panthéon grec. On s’est fait à cet égard de grandes illusions. Aphrodite même n’était nullement une Astarté ; née de l’écume de la mer, elle répondait exactement à la légende indienne de Laxmi et des Apsaras ; son nom, tiré de άφρός et de δίτη (adjectif du verbe δινῶ, agiter en tournant) rappelait le récit indien du barattement de l’océan.

Purement âryenne, ou à peu près, la religion hellénique ne sortit jamais du polythéisme, qui fut en quelque sorte fixé par une littérature et un art incomparables. Mais dans les siècles qui précédèrent le christianisme, les Grecs furent en contact perpétuel avec les