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Page:Burnouf - La Science des religions.djvu/95

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Le Livre d’Enoch nous conduit très-directement aux apocryphes alexandrins, c’est-à-dire aux livres contenus dans la Bible des Septante et qui ne faisaient point partie du canon hébraïque. Les deux plus importants sont la Sagesse et l’Ecclésiastique. Le premier a été attribué, mais faussement, tantôt à un ami de Salomon, tantôt à Salomon lui-même[1] ; il est de beaucoup postérieur à ce prince. Le second est plus ancien et fut composé par Jésus, fils de Sirach, qui vivait sous le pontificat de Simon, au commencement du iiie siècle avant Jésus-Christ.

Outre ces deux écrits essentiels, il est d’un intérêt majeur de rechercher dans la Bible des Septante les passages du canon hébreu altérés par les traducteurs grecs. On s’aperçoit alors que ces altérations ont été faites systématiquement, dans la pensée d’harmoniser les livres hébraïques avec la doctrine secrète des apocryphes. Ainsi, tandis que les livres du canon hébreu ont pour unité idéale la Loi mosaïque, la Bible des Septante cherche son unité ailleurs, dans une doctrine qui, à beaucoup d’égards, est en opposition avec cette loi. La Bible grecque, en effet, tend toujours à séparer Dieu du monde visible et à donner au Messie une nature éternelle et céleste. Cette séparation conduit à la théorie des médiateurs, et le Messie est indiqué comme le plus grand d’entre eux.

Dans la Sagesse et l’Ecclésiastique, ces théories s’accusent nettement. Là, Dieu est déclaré un et invisible ; le premier-né parmi les créatures, c’est l’Esprit, qui est aussi le Verbe, le médiateur, le principe de sainteté et d’immortalité ; le Verbe lui-même, figuré jadis

  1. Pendant plus de mille ans après J.-C., une foule de livres contenant des règles de sagesse pratique ou même d’arts manuels ont été mis sous le nom de Salomon, comme un assez grand nombre d’écrits métaphysiques ou mystiques l’ont été sous celui de Jean.