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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/16

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— Entrez, mesdames ! Vous êtes les bienvenues dans la maison de Jean Gaudat. Vous y serez en sûreté et personne ne passera le Doubs pour vous chercher ici.

— Ça, non ! Il n’y a pas de danger, répliqua l’aubergiste d’une voix qui n’était pas précisément agréable. On n’aborde jamais de ce côté, si nous ne le permettons pas. D’ailleurs, pour le faire, il faudrait avoir une barque, et il n’y en a pas. Prenez place.

L’homme qui parlait ainsi était de petite taille, le torse large et les membres gros et courts. Une barbe noire recouvrait à demi son visage, au milieu duquel deux yeux apparaissaient comme creusés à coups de vrille. Et, pourtant, ce n’est qu’après l’avoir observé un instant, étudié ses lèvres minces et son regard dur, à l’allure fuyante, que l’on éprouvait le vague frisson de choses mauvaises. La première impression était ordinairement favorable.

Dans un coin de la pièce, la femme, toute jeune encore, ne disait rien. Elle avait les traits assez réguliers. Toutefois, à la voir ainsi passive, on eût dit qu’elle rêvait d’un autre monde, en tout cas qu’elle ne devait agir que sous l’impulsion d’une volonté étrangère,