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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/180

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Alors, le martinet forgeait le fer, les meules broyaient les essences huileuses et la scie coupait en planches les grosses billes qui descendaient de la montagne et de Charmauvillers.

La chapelle était pleine de monde et il y avait encore aux alentours toute une foule qui priait, implorant le Ciel qu’il voulût bien envoyer sa pluie à la terre aride, crevassée par la chaleur du soleil. C’étaient des gens de France et de Suisse, hier faisant partie de la même nation, désormais séparés par une frontière que les hommes de Vienne, sans plus s’inquiéter des besoins de ces peuples, ont tracée d’un large coup de plume. Ils n’avaient pas l’air heureux, leurs visages trahissaient les privations, les soucis de toute sorte, la pauvreté de leur existence dans cette contrée de montagnes et de côtes escarpées. Tous se ressentaient de la misère qui sévissait dans le pays, dans presque toute l’Europe, épuisée par vingt années de guerres. Et leur dévotion était sincère, ils avaient l’invincible espoir, en leur foi naïve, que Dieu allait faire fléchir, pour eux, les lois éternelles de l’univers, que des légions d’anges, obéissant à l’ordre divin, verseraient tantôt l’eau bien-