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Page:César - Au moulin de la mort, 1892.djvu/245

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tant deux, trois fois les mêmes choses, pendant que les hommes, qui assistaient, les regards fixes, à cette horrible scène, sentaient une sueur froide mouiller la racine de leurs cheveux. Effrayantes, ces révélations !

À la fin, brisée par la violence de cet accès, elle n’eut plus que des sons inarticulés, et, la tête penchée sur sa poitrine à demi-nue, elle resta immobile, comme inerte, privée de vie. Jean Gaudat, que la terreur pâlissait, ne disait plus rien, n’ayant plus qu’une notion plus ou moins distincte : son irréparable perte. Il avait l’air de regarder sa femme, mais il écoutait plutôt une voix qui venait de bien loin, d’au delà du temps, de plus loin que la tombe, où l’on ira sans doute, d’où l’on ne revient jamais. Cette voix pouvait aussi monter du fond de la cave, lui apportant un craquement d’os, un ricanement de bouche sans chair, le dernier cri d’un être humain qu’on assassine. Et la peur augmentait, s’installait par secousses dans son cerveau en feu, elle le roulait comme le Doubs roulait ses vagues, de l’autre côté de la paroi, contre laquelle le flot hurlait, dans la nuit épaisse. Misérable ! Oui, il l’était, parce qu’il avait agi comme si la vie n’était qu’une lutte du plus fort contre le plus faible, sans expiation finale. Sa cons-