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Page:César - Le forgeron de Thalheim, 1885.djvu/211

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le forgeron de thalheim

ne plus penser à la situation dans laquelle elle s’abîmait.

D’un air soumis, mais plein d’un tendre reproche, elle regarda son père, dont la figure bouleversée trahissait bien les combats qu’il avait livrés aux passions et aux amertumes qui l’agitaient. La vérité, peu à peu, se fit jour dans sa jeune tête fatiguée et violemment surexcitée par cette longue attente de plusieurs heures d’une nuit solitaire et noire. Enfin, n’y pouvant plus tenir, elle s’élança au-devant de son père, enroula ses beaux bras autour de ce cou brûlé par les intempéries des saisons, et lui demanda, d’une voix triste :

— Eh bien, père, qu’as-tu à m’apprendre ?

— Rien de bon ! Il refuse de t’épouser.

— Le misérable !

— Tu ne l’aimes plus ?

— Non !… Je ne sais que répondre… Ses paroles m’ont enivrée. Il me jurait une affection éternelle, sans bornes, me disait que j’étais belle, la plus belle fille qu’il eût jamais vue… Folle que j’étais, je buvais ce poison, lentement, avec avidité, ne raisonnant pas, ne rêvant ni à mal ni à bien, et je ne voyais