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Page:César - Le forgeron de Thalheim, 1885.djvu/216

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LE FORGERON DE THALHEIM

de nouveau l’âpre douleur le mordre au cœur, le reprendre, le terrasser, et il repartait les jambes fatiguées, mais résolu à tuer les peines morales par la lassitude du corps.

Il était bon, cet homme. La haine, la colère qu’il ressentait contre le lâche qui avait refusé d’unir sa destinée à celle de son enfant, s’inspirait de la plus pure passion qui ait jamais fait tressaillir l’âme d’un père. Mais pourquoi Dieu envoyait-il de telles souffrances à quelques créatures seulement ? Existait-il au moins ? Et il doutait, tant l’injustice dénature ce que l’être humain a de meilleur en soi.

Vers midi, il gagna cependant l’endroit où les bûcherons travaillaient. Mais cette partie de la forêt est si éloignée de Thalheim que le bruit de la mort tragique d’Otto Stramm n’avait pas encore pénétré jusque-là.

Jean Schweizerl ne resta que très peu de temps avec les ouvriers. Une inquiétude visible paraissait le tourmenter, le préoccuper entièrement. Il se borna donc à donner quelques ordres aux bûcherons, expliqua son retard par un malaise, et s’éloigna de nouveau en laissant les solides gars commenter son étrange conduite.

Toutefois, à la longue, cette course vaga-