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LE FORGERON DE THALHEIM

fond de son cœur, une haine vivace contre l’envahisseur et cela, peut-être plus que sa fière prestance, avait prédisposé Suzanne Teppen en sa faveur.

Le père de la jeune fille l’estimait médiocrement. Il ne pouvait, il est vrai, nier qu’il n’eût de solides qualités. Mais cette sottise de vouloir rester Français, en dépit des circonstances, l’excitait, lui qui semblait avoir accepté avec tant de facilité la perte de sa nationalité.

Toutefois, il ne songeait pas longtemps à ces vétilles et il était à cent lieues de croire que Robert eût jamais des visées sur sa fille. Si de temps à autre il lui donnait de l’ouvrage, ce n’était cependant pas par bienveillance, mais simplement pour ne pas froisser son épouse qui, elle, aimait la veuve, parce qu’elles avaient vécu, pour ainsi dire, la même vie pendant leur enfance. L’une et l’autre étaient d’un village voisin, de Dœrnlach, et si, à cette heure, la, fortune paraît élever une barrière entre elles, leurs souvenirs sont assez sincères et assez profonds pour ne pas tenir compte de leur situation réciproque. D’ailleurs il ne faudrait pas admettre que Joseph Teppen fût sorti de bien haut ; au contraire, de même que le forgeron Jacques