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Page:César - Le forgeron de Thalheim, 1885.djvu/246

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LE FORGERON DE THALHEIM

pauvre enfant dans l’infortune. Pendant l’absence de mon jeune ami, pressentant l’issue de sa démarche, je cachai dans un tas de fagots derrière la maison le fusil qu’il chargeait au moment de mon arrivée à la forge. Dans quelle intention ? Parce que, si la réponse était négative, si Otto Stramm répondait non, il me fallait sa vie. Et pour mieux détourner les soupçons de Robert, je ne le quittai qu’après la tombée de la nuit ; de cette façon, il me fût possible de prendre le fusil sans qu’on m’aperçût.

Robert venait de m’apprendre que le forestier irait, pendant la soirée, à la tuilerie Teppen. Je me plaçai dans le petit bois, à deux pas du sentier, près de la mare. J’étais sûr qu’Otto Stramm passerait par là, s’il allait chez Teppen comme il s’en était vanté à mon ami. Je suis resté une bonne demi-heure, exposé au froid et à la bise, ayant la tête pleine de lueurs rouges, les yeux aveuglés par la haine et la colère. Je n’ai pas réfléchi à l’action que j’étais sur le point d’accomplir : je voulais me venger et venger mon enfant.

Je le vois, ou mieux je l’entrevois enfin à travers le brouillard, je ne puis me tromper. C’est sa haute taille, sa voix, car il chantonne un chant d’amour. Il ne pense donc même