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Page:César - Le forgeron de Thalheim, 1885.djvu/282

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LE FORGERON DE THALHEIM

laisser seule ? Jamais ! Elle revenait si bien à la vie. On le voyait à ses joues que le sang colorait, à ses yeux qu’une douce mélancolie éclairait. Malgré les souffrances morales et les douleurs physiques, la bûcheronne n’avait rien perdu de son originale beauté. Au contraire. Son teint, ambré aux tempes, ressortait plus vivement encore sous la chevelure noire ; son corsage s’était développé, et certes un peintre se fût senti inspiré à la vue de cette belle fille dont l’image emplissait la tête de l’ouvrier Thomas.

Vous peindre la surprise de Suzanne lorsqu’elle aperçut celui qu’elle aimait, entrer, à la suite de son père, dans la grande chambre restaurée de la tuilerie, est au-dessus de nos modestes facultés. Comme sa figure refléta bien ce qui se passa dans sa jeune âme ! Ce fut un mélange de joie, d’inquiétude, de bonheur, de trouble et d’ivresse. Elle serait morte à cette heure qu’elle n’eût pas eu regret d’avoir vécu. D’ailleurs, à vrai dire, ce sont ces minutes-là qui comptent dans notre existence.

Ah ! comme la constance, la fidélité, la foi en l’avenir étaient enfin dignement récompensées ! Tout fut oublié en cet instant : les