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la terre ancestrale

— Bah ! je ne suis pas fatigué. Une marche au faubourg. c’est plutôt un délassement. Et puis, on rencontre toujours quelqu’un avec qui jaser.

Le père ne dit mot, mais il eut préféré garder son fils à la maison. Ce n’est pas que d’ordinaire il l’empêchât de sortir, mais depuis quelque temps Hubert lui donnait de vagues inquiétudes. Il fréquentait Delphis Morin, un jeune homme en promenade dans la place. Or, Jean Rioux détestait ce garçon qui avait déserté la paroisse pour la ville. Il craignait que son fils ne fût ébloui par les vantardises de l’autre. Hubert n’aimait pas assez la terre, au gré du vieux. Ah, s’il avait possédé la trempe de sa fille ! Avec elle, rien à craindre.

À la maison, la soirée s’annonçait douce et paisible : la veillée de l’homme des champs qui se repose de ses rudes labeurs. Les deux femmes, assises sur le seuil de la porte, causaient tout en tricotant. Le père, par besoin d’activité, vaquait à quelques menus travaux, échangeait un bon mot avec les promeneurs : puis, la pipe aux dents, venait s’asseoir près des siennes.

Avec la tombée du jour, l’atmosphère éprouvait une grande accalmie. L’astre étincelant, disparu de l’autre côté de l’eau, ne laissait plus déviner l’endroit de sa chute que par un nuage empourpré. Petit à petit, cet amas de