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la terre ancestrale

— Ceux qui n’ont rien à laisser, rien à garder, qui n’ont pas de famille, peuvent bien aller où bon leur semble ; mais tous n’ont pas ce droit.

— Maintenant que ce pauvre père n’est plus, que vous achevez tous de vous tuer ici, je ne vois pas ce qui vous empêcherait de vous reposer un peu : c’est bien assez d’un qui est mort à la peine. J’ai à présent une bonne position ; si cela vous plait, vous me suivrez et nous prendrons maison tous les trois : vous, Adèle et moi. Vous verrez, je serai bon garçon, je m’occuperai de vos aises pour vous faire oublier la peine que je vous ai causée. Vous n’aurez plus à redouter une température défavorable, à travailler dehors par tous les temps ; ce sera le confort et la sécurité. Dites maman, pensez-y et décidez-vous. Nous ferons une bonne vie heureuse, tranquille et exempte d’inquiétude.

La mère, surprise, regarda son fils. C’était plus dur encore que la mort du maître, que d’entendre dire que le vieux n’aurait pas de successeur. De qui tenait-il donc, cet enfant ? L’âme des aïeux s’était-elle transmise de génération en génération pour s’arrêter à celle-là ? Pauvre mère ! Elle y avait pourtant mis toute son éloquence ; malgré l’adoucissement qu’elle en eût reçu, elle n’avait pas même parlé de sa propre douleur ; elle avait cru choisir le moment propice pour frapper un grand coup. Hélas ! son fils n’avait pas com-