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la terre ancestrale

— Non, sois tranquille : on ne t’en parlera plus de la terre puisqu’elle te dégoûte. Mais, sache-le bien : la terre ne mourra pas, elle vivra grande et belle. Puisque tu la renies, toi son maître légitime, c’est moi, faible femme, qui la ferai vivre. La terre vivra, et je la ferai si bien produire qu’elle paiera ses ouvriers. La terre vivra quand il me faudrait tenir moi-même la charrue. La terre vivra et sera toujours la terre des Rioux. La terre vivra, et le père, et tous les vieux, seront contents. Puisque tu trahis, puisque tu refuses de l’être, c’est moi maintenant qui suis le maître de la terre ; c’est moi qui suis le chef de la famille ; c’est moi qui continue la lignée des ancêtres. Et sois-en certain : la lignée des aïeux ne s’éteindra qu’avec ma mort.

L’héroïque jeune fille, surexcitée, se retira, ne voulant pas trop humilier son frère qu’elle aimait malgré tout. Le jeune homme, confondu, mais, à cause des contradictions et des coups de cravache à son orgueil, plus buté que jamais, ne put s’empêcher d’admirer sa sœur et de se dire :

« Pauvre et chère Adèle ! c’est bien le père avec son sang bouillant, ses yeux enflammés et son courage : c’est bien le père : le père n’est pas mort ! »

Dans la salle commune, on avait bien entendu les derniers éclats de voix, mais sans distinguer les paroles.