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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/146

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Ceux qui ont gagné leurs éperons dans l’accomplissement des œuvres les plus basses, ceux qui ont ramassé dans le fumier les décorations que le pouvoir y sème, ceux dont le front ne rougit plus, ceux qui ont traîné tous les oripeaux de l’infamie, ceux dont l’âme est morte jurant, conjurant, parjurant, suppliant, trahissant… tous ceux-là sont les très moraux anges gardiens des prisons !

Variées à l’infini sont les tortures des damnés dans les fosses communes que leur creusent les griffes de la Justice. Oh que tout le monde gouvernemental a bien plus d’imagination que Dante quand il s’agit de faire souffrir !

… Le premier supplice dont on essaie, c’est la dégradante promiscuité de la chambrée. Là sont entassés dix ou quinze hommes dont les haleines se raréfient, dont les mouvements se gênent, dont les caractères, les opinions et les tendances se déchirent constamment. Tout est bien calculé pour diviser les âmes en comprimant les corps.

Afin que le très moral et très paternel pouvoir puisse dire aux 360 bourgeois imbéciles : « Voyez comme ils s’aiment ! Ce sont eux cependant qui vous prêchent la science sociale et la fraternité ! Que feraient-ils si nous les laissions déchaînés au milieu des sociétés paisibles ? » Et les bourgeois s’épanouissent d’allégresse, comme des potirons au soleil : « Vive la République ! Vivent les frères et amis ! » crient-ils en se frottant les mains.

— Ah misérables, ignorants et lâches, dont la