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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/168

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comme un civilisé peut le comprendre, quand même je reconnaîtrais aux lois un caractère sacré, je n’aurais pas condamné Marie Capelle. Avant de rendre un pareil jugement contre une pareille femme, j’aurais écouté l’accent de sa parole, le timbre de sa voix ; j’eusse tenté de pénétrer dans sa pensée, de transfuser dans mes veines tout le sang de son cœur. Car il est des natures dont nous ne pouvons soupçonner l’essence divine qu’en nous inoculant la fièvre. Oh ! que penser d’un siècle qui livre Marie Capelle à une collection choisie de bourgeois de province, à des jurés dont l’intelligence, le sens moral et l’affectivité sont cotés moins de cent francs !

Moi, je ne me serais pas défendu de ses séductions. Je ne reconnais pas la stupide nécessité de me défier des plus incompressibles entraînements, de me raidir contre eux, d’aiguiser en regrets poignants mes impressions les plus douces. Et je jure que si madame Lafarge m’avait inspiré de l’amour, j’aurais pu l’acquitter sans mentir à la justice. Et je jure que si sa tête en pleurs m’avait fait frémir, j’aurais tout fait pour sauver sa tête. Car amour, c’est justice ; charme, c’est sympathie ; beauté de physionomie[1], c’est 274 bonté de cœur.

  1. Je dis beauté de physionomie et non pas de visage. À mon sens, la beauté et la laideur n’existent pas d’une manière absolue, constante, incontestable ; elles ne tiennent pas à la régularité des traits, elles se modifient aussi souvent que notre physionomie change, et notre physionomie est aussi variable que les mille émotions qui nous animent. Le plus beau des hommes devient hideux sous l’influence de