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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/254

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nos mains sanglantes cherchaient dans la poitrine de nos frères un cœur à déchirer. Ainsi nous dévorions la courte distance qui sépare le berceau de la tombe chez la race des condamnés à mort. — Oh ! nous aimions la terre et sa fécondité !

« Temps rapides, à jamais épuisés, vous n’êtes plus qu’un souvenir, souvenir de douleurs et de joies ! Ainsi roulent les mondes ; ainsi luttent les sociétés ; ainsi la vie des hommes se consume comme un feu de sarments !


« Leurs passions les dévorent ; elles sont la flamme, ils sont le bois. Et malheur à qui voudrait éteindre le feu ! Son sang, tout son sang romprait ses veines pour l’attiser. Car la passion, c’est l’air, le souffle, l’âme, l’essence, la vie, le tout ! — Le reste n’est qu’argile.

« Ah ! disséquez les corps, mais épargnez les âmes ! Malheur à l’homme qui plongerait le scalpel de l’analyse jusqu’au fond de son être ! Malheur à celui qui voudrait tout approfondir ; ses actes, ses émotions, ses plaisirs et ses peines ! Malheur à qui, se détachant entièrement de la vie présente, s’élancerait, imprudent, 429 sur les vastes abîmes de l’Avenir et du Passé. — La mer qui bat les rivages de Crête a longtemps gardé le nom du téméraire Icare !

« Que chaque être soit de son monde et de son temps ! Malheur à la fourmi qui voudrait s’égaler à l’homme ! Malheur à nous, les morts, s’il nous fallait parcourir de nouveau le cercle de nos existences passées. Notre expérience et notre volonté