Aller au contenu

Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/256

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

brisée, flétrie, que nous ne pouvons plus rattacher à rien sur la terre !

« Et quand elle est passée, la reine des belles fleurs, malheur à qui voudrait la réchauffer sur son sein nu ! Il s’épuiserait, comme sur un cadavre, la jeune fille aux naissantes amours !

« À celui-là la nature semblerait un tombeau. Parmi d’épaisses ténèbres il poursuivrait des visions toujours fuyantes ; il entendrait des voix que l’air ne transmettrait plus aux oreilles des autres ; il s’acharnerait sur le vide, il respirerait le Néant, le Néant ! !

« Dans la moelle de ses os se réjouirait la fièvre, dans son 430 crâne tremblant hurlerait la pensée ; le dévorant mirage substituerait ses images agrandies aux réalités naturelles. Joie, raison, santé, bonheur s’enfuiraient éperdus !

« Pour lui plus d’affections intimes, plus d’amours, plus de fêtes, plus d’enfants, ni de femmes, ni de père, ni de mère ; plus d’ami ! Plus rien, rien que les tortures de l’imagination, le supplice incessant d’une âme rebelle enchaînée dans un corps, meurtrie par la terre, l’argile, le roc, le roc éternel de Prométhée !

« Il aurait perdu toute notion du temps et des espaces. Les secondes lui paraîtraient des siècles, et les hameaux, des univers.

« Il aurait des heures d’extase dans lesquelles il embrasserait la terre et les cieux, les mers et les abîmes. Alors il rirait du Désespoir, de la Folie, de la Maladie, de la Mort ; il provoquerait les Dieux