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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/411

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de la nuit avec sa poudre d’or. Et je me sentis tout frissonnant de ce divin respect que fait naître en nous le souvenir des grands mortels. Et je m’y abandonnai, bienheureux, sans compter les heures. Quand je redescendis la colline, le grand astre, le souverain, éclairait et vivifiait tout : il faisait un beau jour. Salut, Lumière ! Salut, Pensée ! m’écriai-je. Rien ne peut contre vous…


Aujourd’hui nous sommes à un demi-siècle de toi, formidable Révolution de Jean-Jacques et de nos pères ! Qu’as-tu fait cependant pour ceux qui manquent de toutes choses, pour ceux qui sont chargés de famille et d’impôts, pour ceux qui défendent avec leur sang l’héritage du riche. Spectre sanglant ! dis, qu’as-tu fait pour eux ?…

Qu’avons-nous fait nous-mêmes ?… Rien encore, ô mon Christ ! Et tandis que j’écris doucement ces pages, couché dans l’herbe, à l’ombre des haies fleuries, ou dans le fond de ma péniche balancée 529 sur l’eau bleue ; tandis que je jouis du sublime spectacle de tes magnificences, ô Nature bien-aimée ! tandis que je travaille en artiste, à mon heure, pour moi, selon les inspirations de mon âme… là, tout autour de ma demeure, sont des milliers d’hommes qui supportent l’écrasant poids du jour ou le feu des hauts-fourneaux, mortel à la vie, pour enrichir l’exploiteur qui boit leur sang, appauvrit la moëlle de leurs os et fait croire, ô malheur ! qu’il les entoure d’une paternelle sollicitude !… Et le fait croire et dire à ceux-là même,