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Page:Cœurderoy - Jours d'exil, tome III.djvu/423

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quand il portait la cuirasse que lui forgea Vulcain.

Que cherche-t-il, le Chevalier ? — Des ennemis à combattre ? Non. Il en a tant et tant étendu devant les pieds de ses chevaux qu’il a pris peur du sang et voit chaque nuit, dans ses rêves, des têtes séparées du tronc dont les yeux le menacent de leurs regards bleuâtres.

Que cherche-t-il, le Chevalier ? — Des chamois et des ours ? Non, tant de fois il a caché la lame de son couteau dans la gorge des chèvres-mères, il a dépecé tant d’oursons, enfumé tant de renards, que la montagne est veuve de ses habitants, et qu’on s’y promènerait des années sans entendre les ébats de deux fauves.

Il restait encore au sommet de la Tournette neigeuse une couple d’aigles, fiers d’être restés maîtres de la contrée par la mort de tous les leurs. Ils ont trop chanté, l’autre soir, le coucher du soleil. Et le Chevalier sanguinaire les a découverts dans la nuit. De son gantelet de fer il a pesé sur la femelle qui couvait ses petits : il a tout écrasé.

Et l’aigle-mâle a tenté de lui crever les yeux, mais il a brisé son bec sur le cimier du casque de combat. Mourant de douleur, il a quitté sa montagne natale, et depuis cette nuit funeste il parcourt les Alpes en gémissant. Il ne veut plus d’autre compagne ; il bat les aiguilles des glaciers de son aile tremblante, et boit de l’eau des neiges pour rafraîchir son sang.

Que cherche-t-il, le dur Chevalier ? — Fascinés