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Page:Cabanis - Rapports du physique et du moral de l’homme, 1805, tome 2.djvu/284

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Cependant, il est difficile de ne pas penser que la nature des impressions habituelles a dû modifier l’instrument qui sert à les combiner et à les reproduire ; que leur caractère sombre ou riant, âpre ou doux, profond ou passager, doit se retrouver, à certain degré, dans leurs signes représentatifs. En un mot, l’homme qui vit sous un ciel heureux, sous des ombrages frais, au milieu des émanations des fleurs ; qui n’entend habituellement que le chant des oiseaux et le murmure des sources vives et limpides, ne doit, ni s’exprimer par les mêmes sons, ni les appuyer du même accent et des mêmes inflexions de voix, que l’homme qui vit entouré des horreurs d’une nature sauvage, qui se perd chaque jour dans de noires et profondes forêts, dans les gorges de montagnes inaccessibles, hérissées de rocs et de neiges éternelles ; qui n’entend que les mugissemens d’une mer irritée, ou les torrens qui tombent dans des abîmes sans fond. Des circonstances, des images, des sensations si différentes, ne peuvent manquer d’agir sur tous les organes humains, éminemment imitateurs : et le phénomène inexplicable seroit que le langage, c’est-à-dire le tableau fidèle