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Page:Cahiers de la Quinzaine - Série 15, cahiers 4-6, 1914.djvu/93

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ÈVE


Quand ils avanceront dans la nuit éternelle,
Tâtant des mains les murs et cherchant leur chemin,
Quand ils se lèveront pour le seul examen
Qui vienne après la mort et se repose en elle ;

Quand l’homme s’en ira dans la nuit solennelle,
Encor tout étourdi d’être ainsi revenu,
Encor tout interdit d’être ainsi pauvre et nu,
Encor tout engoncé dans sa gaine charnelle ;

Encor tout ahuri que ce jour soit venu,
Mal réaccoutumé de se servir de soi,
Déjà tout envahi du regret revenu,
De ne plus être un homme et ne plus être un roi ;

Quand il retrouvera sa force originelle,
Mais pour être abolie et ne servir qu’un jour,
Quand il retrouvera dans son premier séjour
La lumière et la paix qui baignaient sa prunelle ;

Quand ils s’avanceront dans cette cécité,
Tout désaccoutumés des chemins de la terre,
Tout déshabitués de l’antique cité
Qui posait sur les fronts un masque statutaire ;

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