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Page:Cahiers de la quinzaine, série 13, cahier 8, 1911.djvu/65

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seulement. Elles sont aussi le fruit qui espère le soleil pour mûrir ; et qui veut maudire la maturité, dont sa pulpe est avide.

Attendre, toujours attendre ! pour n’être jamais exaucée ! Telle est la femme.

§

Il est plus d’un homme, ce Dostoïevski : et d’autant plus, qu’il est plus Dostoïevski. Plus d’un homme, et plus d’une femme.

Tous ces hommes, en lui, et toutes ces femmes, sont, chacun totalement soi-même ; et pour un temps, sans lien aux autres. Le moi se multiplie de la sorte. L’homme, qui a reçu ce don fatal, porte naturellement dans la vie et dans ses œuvres les formes du rêve.

Dostoïevski, si divers et si un, conçoit l’amour avec deux ou trois femmes, ou plusieurs : car il y a en lui deux ou trois ou plusieurs hommes pour toute femme qu’il aime. Soit qu’il la désire en sa chair, soit qu’il voue en elle un culte à quelque rare idole ou à la vierge. Profusion de l’amour, partage qui répond à un besoin puissant et mystérieux. Il lui faut l’âme, avec la chair ; avec la joie, il lui faut les larmes. Et dans l’ardeur de la femme en fruit, il lui faut aussi la jeunesse, la fleur ou l’enfance même.

Il n’est pas loin d’admettre deux ou trois hommes pour la même femme, parce qu’il les trouve en lui ; et tous les trois, en lui, ont besoin de la femme qu’il aime. C’est de ce fond obscur que se lèvent les héros étranges de ses livres : à tous ensemble, dans le même amour, ils n’en font qu’un, qui est lui, Dostoïevski. De là, cette