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Page:Cahiers du Cercle Proudhon, cahier 5-6, 1912.djvu/16

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liberté et qui défendaient les intérêts de la collectivité contre la rapacité des privilégiés ; plus tard seulement, on désigna sous ce nom les serviles admirateurs des gouvernements établis. En France, le patriotisme révolutionnaire n’est pas mort aussi complètement que s’imaginent nos maîtres ; il ne faudrait pas une propagande fort active pour le réveiller dans les masses. Il appartient aux socialistes de diriger ce sentiment populaire ; ils commettraient une grande faute s’ils laissaient leurs adversaires continuer leur propagande réactionnaire et loyaliste. En terminant son Histoire d’Israël, Renan jette un coup d’œil sur l’avenir : « Les questions sociales ne seront plus supprimées, dit-il, elles prendront de plus en plus le pas sur les questions politiques et nationales. » À l’heure actuelle, le patriotisme révolutionnaire est une question sociale de premier ordre. La civilisation, la science et le socialisme qui les résume sont menacés par la sainte Russie ; c’est ce qui explique pourquoi les fêtes franco-russes ont été accompagnées d’un réveil religieux qui charme tant Tolstoï ; l’Église de France a salué le protectorat du Tsar avec autant d’enthousiasme qu’elle avait salué le coup d’État du 2 décembre[1]. Les idées chrétiennes de Tolstoï présentent un sérieux danger ; elles n’agiront pas en Russie et ne réduiront pas la force du despotisme ; si elles agissaient dans l’Occident de manière à réduire la puissance défensive des pays ayant une culture scientifique, la civilisation serait dans le plus grand péril. »

  1. On sait bien que la pensée qui a présidé à l’alliance franco-russe fut une pensée tout réactionnaire que cette alliance ne comportait aucune visée de revanche et ne plut tant à la bourgeoisie qu’en raison de son caractère conservateur. Les catholiques français en général croient très habile de souder ensemble religion et patrie : ils n’arrivent qu’à compromettre l’une et l’autre.